Vous recherchez un article ?

L’injonction de payer

Auteur :

Au quotidien, il est fréquent de rencontrer des créanciers ne possédant que leurs devis et/ou factures voire leurs mises en demeure. Ils se retrouvent donc sans titre exécutoire (décision de justice exécutoire) face à un débiteur imperméable aux demandes de paiement.
Comment donc obtenir le paiement des sommes réellement dues en application du contrat rapidement et à moindres frais ?
Une réponse simple peut être formulée : l’injonction de payer.
Succinctement, la procédure d’injonction de payer permet au créancier de demander au Juge que lui soit délivrée une ordonnance emportant condamnation du débiteur à payer les sommes qui lui sont dues et qui ont été justifiées dans la requête.

Obtenue dans le cadre d’une procédure sur requête (sans débat contradictoire, moyennant un formulaire simplifié), l’ordonnance obtenue sera signifiée au débiteur. Le débiteur bénéficiera d’un délai pour formuler une opposition contre cette ordonnance et ainsi demander à ce qu’une instance au fond de droit commun ait à juger de l’entier litige de façon contradictoire. Passé ce délai d’opposition, la formule exécutoire sera apposée et l’exécution forcée pourra être réalisée.

Il s’agit à première vue d’une procédure pour le moins particulière : un juge, une décision, nul débat contradictoire. Toutefois, on ne peut résumer cette procédure à cette courte définition.

En effet, elle apparaît à première vue être en faveur du créancier mais s’arrêter à ce constat serait prématuré.

Le débiteur peut avoir un rôle actif dans cette procédure puisqu’il a la possibilité de transformer la procédure en une procédure contradictoire, cela en formant une opposition. Cette Opposition aura pour effet d’ouvrir une instance de droit commun afin que soit rendu un jugement à la place de l’ordonnance qui porte injonction de payer.

Toujours est-il que cette procédure demeure facultative. Rien n’empêche le créancier de poursuivre le débiteur selon le droit commun.

Dans le cadre de cet article, il vous est proposé de s’intéresser aux questions techniques qui concernent la procédure d’injonction de payer française.

Dans un premier temps, seront étudiés les créances concernées ainsi que les juridictions compétentes (I), ensuite la procédure de demande de l’injonction de payer (II). Puis, cet article se terminera par l’opposition qui est la voie de recours spéciale (III).

I. CREANCES CONCERNEES ET JURIDICTION COMPETENTE

I.I. Le décret du 12 Mai 1981 n°81-500 a introduit le régime de l’injonction de payer aux articles 1405 et suivants du Code de procédure civile.

Le principe est posé par l’article 1405 du Code de procédure civile qui dispose que :
« Le recouvrement d’une créance peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer lorsque :
1° La créance a une cause contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire et s’élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale ;
2° L’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. »

La liste énumérée par cet article est limitative. Toutefois, il convient d’ajouter des cas prévus par des textes spéciaux qui permettent l’utilisation de l’injonction de payer.

a. Les créances concernées par l’article 1405 du Code de procédure civile
– Les créances ayant un montant déterminé et une cause contractuelle ou une obligation statutaire
– Billet à ordre, lettre de change acceptée ou tirée, crédit aux entreprises
Sont en revanche expressément exclues de la procédure d’injonction de payer, les demandes portant sur des sommes extracontractuelles (demande de dommages et intérêts résultant d’un engagement de responsabilité) ou encore le chèque impayé.

b. Cas particuliers permettant l’utilisation de la procédure de l’injonction de payer
– Par application de l’article D. 632-10 du code rural et de la pêche, l’organisation interprofessionnelle laitière peut demander le recouvrement de certaines cotisations dues par les producteurs et transformateurs de lait au moyen de la procédure d’injonction de payer. Toutefois, cela est possible pour les cotisations de l’année en cours et des deux années précédentes.
– Par application de l’article R.1235-5 du Code du travail, lorsqu’un jugement ordonne le remboursement par l’employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage, la procédure d’injonction peut être utilisée par l’organisme qui est en charge de verser ces allocations.
– Par application de l’article 60 du décret du 17 mars 1967 n°67-223, les demandes en recouvrement de certaines charges de copropriété peuvent être effectuées en utilisant la procédure d’injonction de payer.
Les demandes formées par le syndicat devront obligatoirement être portées devant la juridiction du lieu où se situe l’immeuble, par dérogation au droit commun qui renvoie généralement au domicile du défendeur.

I.II. Sur la compétence du juge :  l’article 1406 du Code de procédure civile.

a. la compétence d’attribution

L’article 1406 CPC réparti la compétence d’attribution entre le président du tribunal de commerce, du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance.
Ainsi, lorsque l’on prend en compte le montant du litige pour déterminer quelles juridictions civiles est compétence, le tribunal d’instance est compétent pour les créances d’une valeur inférieure ou égale à 10 000 euros. En ce qui concerne les créances supérieures à 10.000 euros c’est le Tribunal de Grande Instance qui est alors compétent.
Par ailleurs, lorsqu’une juridiction a une compétence exclusive, cette attribution s’applique à la procédure d’injonction de payer quel que soit le montant de la créance à recouvrer.
Le Président du Tribunal de Commerce sera compétent pour les créances de nature commerciales, par exemple, pour les demandes de paiement concernant deux entreprises commerciales dans le cadre de leurs relations d’affaires.
b. la compétence territoriale
Quant à l’alinéa 2 de l’article 1406 du Code de procédure civile, ce dernier précise la compétence territoriale du juge : le juge compétent est celui du lieu où demeure le débiteur poursuivi ou en cas de pluralité de débiteurs l’un des débiteurs poursuivis.
Attention, cette règle de compétence est d’ordre public, il n’y a qu’à se référer à l’alinéa 3 du même article qui est très clair : « les règles prescrites aux alinéas précédents sont d’ordre public. Toute clause contraire est réputée non écrite. Le juge doit relever d’office son incompétence, l’article 847-5 étant alors applicable. »
Si toutefois, le juge ne relève pas d’office son incompétence, le débiteur peut toujours former opposition et soulever l’incompétence du tribunal qui a rendu l’ordonnance mais celui-ci doit indiquer la juridiction qu’il juge compétente.
L’incompétence doit être soulevée in limine litis.

II. LA PROCEDURE DE DEMANDE D’INJONCTION DE PAYER

A titre liminaire et avant tout commencement d’action, le créancier doit vérifier que le débiteur n’est pas en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

II.I. Si tel n’est pas le cas, il faut alors adresser une requête à la juridiction concernée. C’est l’article 1407 du Code de procédure civile qui énonce le contenu impératif de cette requête.

De plus, le dernier alinéa de l’article 1407 énonce que le créancier doit joindre à sa requête des documents justificatifs. Si ces derniers font défaut, la requête est irrecevable. En effet, on part du postulat qu’il incombe au demandeur de prouver l’étendue et la véracité de la créance (voir en ce sens Cass. 2e civ., 23 oct. 1991, n° 90-15.529).

Bien plus, le créancier peut être prévoyant et conformément au texte de l’article 1408 du Code de procédure civile insérer dans sa requête une mention qui indique qu’en cas d’opposition l’affaire soit directement renvoyée devant la juridiction qu’il estime compétente.

N.B. Le site infogreffe permet au créancier d’accéder à une procédure d’injonction dématérialisée.

D’une façon générale, le créancier est invité à se référer à l’imprimé cerfa dédié aux injonctions de payer en fonction de la juridiction compétente.

II.II. l’article 1407 du Code de procédure civile dispose que : la demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire.

La présentation de la requête se fait donc par saisine du greffe.

Attention aux frais à avancer devant le tribunal de commerce. En effet, l’article 1425 du Code de procédure civile envisage que devant le Tribunal de Commerce les frais de l’ordonnance portant injonction de payer sont avancés par le créancier et consignés au greffe. Cela dans un délai maximum de 15 jours après la demande sinon cette dernière est caduque.

Une fois la requête conformément adressée, le juge devra se prononcer sur le fait d’accorder ou au contraire de refuser au créancier l’injonction sollicitée. Pour cela, le juge examinera les pièces qui ont été présentées à l’appui de la requête.

A noter qu’en cas de refus, le créancier pourra engager une action selon le droit commun (assignation au fond).
Bien plus, même en cas d’acceptation de la demande d’injonction de payer, le juge peut ne retenir la requête que pour partie.

A ce titre,  l’alinéa 3 de l’article 1409 du Code de Procédure Civile (CPC) dispose que : “sa décision est également sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à ne pas signifier l’ordonnance et à procéder selon les voies de droit commun”

Le créancier a donc un choix à faire entre signifier l’ordonnance qui ne retient la requête que pour partie, et donc renoncer au surplus de ses prétentions, ou alors ne pas faire signifier l’ordonnance et agir selon le droit commun pour faire reconnaître l’intégralité de sa créance.

II.III. Après la requête dument acceptée par le juge, reste à signifier l’injonction de payer au débiteur. Ce n’est qu’une fois signifiée que le débiteur prend connaissance de la procédure d’injonction de payer engagée contre lui par son créancier.

La signification par huissier de justice est le seul mode prévu pour informer le débiteur d’une procédure d’injonction de payer. Les mentions obligatoires que doit contenir l’acte de signification sont prévues à l’article 1413 du code de procédure civile.
À peine de nullité, l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction de payer indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ; informe le débiteur qu’il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées ; contient, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, sommation d’avoir : soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ; Soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
Attention, l’ordonnance portant injonction de payer doit être signifiée dans les six mois de sa date sous peine d’être caduque.

Une fois la signification régulièrement signifiée à la personne du débiteur, cette dernière déclenche le délai d’un mois pour que la formule devienne exécutoire, c’est alors au cours de ce mois que le débiteur peut avoir recours à l’opposition.

En pratique, l’opposition permet de saisir la juridiction compétente au fond pour trancher toutes les questions relatives à cette affaire, de façon contradictoire. Le débat judiciaire redevient donc complet conformément au droit commun. Stratégiquement, c’est donc la raison pour laquelle il est impératif pour le créancier de se questionner sur l’opportunité d’utiliser soit la procédure d’injonction de payer soit d’engager une action au fond. Il peut arriver qu’engager une action au fond directement s’avère plus rapide et efficacce. Se faire accompagner par un Avocat chargé de conseiller le client sur la stratégie adéquate pour le dossier pourra être salutaire.

En revanche, à défaut d’opposition, la formule exécutoire pourra être apposée par le Greffe de la juridiction.

Selon l’article 1422 alinéa 2 du Code de procédure civile l’injonction de payer produit alors “tous les effets d’un jugement contradictoire. Elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement”.

Ainsi, quand le recours à l’opposition n’est plus possible, seul un pourvoi en cassation reste possible.

A contrario, si la signification n’a pas été faite à personne, alors le délai d’un mois ne court qu’à compter du premier acte signifié à personne ou à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur (article 1416, alinéa 2, du Code de procédure civile).

N.B. L’ordonnance revêtue de la formule exécutoire constitue un titre susceptible d’exécution forcée. Dès lors, toutes les saisies pourront être effectuées par un Huissier de Justice, conformément aux règles qui régissent la matière.

III. LA VOIE DE RECOURS SPECIALE : L’OPPOSITION

III.I. L’opposition est prévue à l’article 1415 du Code de procédure civile. Cet article prévoit que « l’opposition est portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer ».

Si l’article précise que l’opposition doit se faire par lettre recommandée cela n’est pas exigé à peine de nullité. Dès lors elle peut aussi être formée au greffe par lettre recommandée ou par déclaration contre récépissé.

L’alinéa 2 du même article précise également que l’opposition peut être formée par le débiteur ou tout mandataire.
Concernant les frais des procédures d’injonction de payer devant le Tribunal de Commerce, l’article 1425 du Code de procédure civile dans son alinéa 2 prévoit que si le débiteur forme opposition, le greffier devra inviter le créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à consigner les frais de l’opposition au greffe dans le délai de quinze jours à peine de caducité de la demande prévue à l’article 1405 du même code.
L’opposition formée par le débiteur va permettre de mettre en place la procédure contradictoire. Dès lors, la force exécutoire de l’ordonnance d’injonction de payer sera suspendue, le président du tribunal sera dessaisi au profit du tribunal lui-même.

N.B. L’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas à être motivée et la procédure est orale. Durant l’instance, c’est au créancier de prouver de la véracité et de l’étendue de sa créance.

Il est également à noter que devant le tribunal d’instance et le tribunal de commerce, ce n’est pas aux parties mais au greffier qu’incombent les formalités procédurales résultant de l’opposition.

Il faut noter que dans cette instance le créancier est demandeur, il doit donc amener la preuve de l’étendue de sa créance.

III.II. Par application de l’article 1420 du Code de procédure civile, le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer. De même, la cour d’appel qui infirme ce jugement ne peut pas confirmer l’ordonnance d’injonction de payer.
Attention, si l’opposition est estimée par le tribunal comme étant non fondée, le débiteur peut être condamné aux entiers dépens. Ce qui, à contrario permettra au créancier de retrouver les frais qu’il avait jusque-là payés au titre de la procédure de l’injonction de payer.
En ce qui concerne les éventuels recours possibles, le tribunal saisi de l’opposition statue à charge d’appel lorsque le montant de la demande excède le taux de ressort tel que prévu par le droit commun (4.000 €uros).
Le délai pour former appel commence à courir dans les conditions du droit commun à partir de la signification du jugement. Par ailleurs, si l’appel n’est pas possible, un pourvoi en cassation peut toujours être formé.

En conclusion, la procédure d’injonction est une procédure simple et peu coûteuse (environs 37 €uros lorsqu’aucune contestation n’est émise).
Toutefois, outre l’analyse du champ d’application de cette procédure, de la compétence matérielle et territoriale, il peut être intéresser de s’interroger sur l’opportunité même de cette procédure par rapport à une assignation au fond.
Il existe des cas dans lesquels un Avocat, habitué aux procédures de recouvrement, pourra conseiller d’engager une action au fond ou un référé pour gagner in fine du temps et de l’efficacité.
Par exemple, lorsqu’il existe un débat sur la qualité des marchandises livrées avec une contestation potentiellement sérieuse, ou lorsque le client a conscience que son débiteur formera une opposition dilatoire, il peut être conseillé d’assigner directement au fond.
Un Avocat pourra également analyser avec vous l’opportunité et les chances de succès de solliciter, en outre, une saisie conservatoire.
Ainsi, même si la procédure d’injonction de payer est simple (un formulaire cerfa), il sera conseillé de se faire accompagner par un Avocat afin de :
⦁ Vérifier stratégiquement si la solution de l’injonction de payer est la procédure adéquate pour la situation considérée ou s’il convient de gagner du temps en engageant une action au fond directement ou en cumulant avec une demande de saisie conservatoire ;
⦁ Monter précieusement le dossier et ainsi gagner en efficacité tant sur les chances de succès (vérifier par exemple l’absence de procédure collective), mais aussi sur le montant réclamé (n’oublier aucune pénalité ou accessoire), vérifier la compétence d’attribution et territoriale et produire les pièces justificatives nécessaires au succès des demandes.

Tags associés :

A propos de l'auteur

Animé et dirigé par Me Franck CARDON, TRINITY Avocats est formé d’une équipe de spécialistes dédiée à l’entreprise et à ses dirigeants. De la création à la transmission de l’entreprise, nous accompagnons le dirigeant pour la rédaction de ses actes et contrats, la sécurisation de ses relations commerciales ou sociales, la résolution de ses problématiques juridiques quotidiennes et la défense de ses intérêts en cas de contentieux.

Exprimez-vous, réagissez à cet article.

Soyez le premier à laisser un commentaire !

Commentaires fermés.

Trinity Avocats

Besoin d'un conseil juridique ?

Vous pouvez nous contacter pour la résolution de vos problématiques et l’accompagnement de votre projet et entreprise en Droit des Affaires, Droit du travail pro-employeur et Droit fiscal et patrimonial.

Contactez nous par téléphone au 03 20 44 14 14
ou via notre formulaire de contact.

Découvrez d’autres articles sur le même sujet

Crédit Impôt pour la Transition Energétique (CITE) : Profitez avant qu’il ne soit trop tard !

Lire cet article

L’exonération ZFU aménagée à compter du 01/01/2015

Assemblée Nationale TRINITY Avocats

Lire cet article

En savoir plus

TRINITY Avocats [tri-ni-ti avoka], nm. : cabinet d’experts rassemblés autour de trois valeurs communes Diligence, Compétence et Proximité afin de défendre les intérêts de nos clients professionnels, institutionnels et dirigeants avertis.

Nous contacter