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Les risques de déposer seul sa marque sans un avocat

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Beaucoup d’entreprises déposent ou souhaitent déposer une marque, quelle que soit la forme ou la taille de la structure.

Et pour cause …. Une marque est :

  • un signe distinctif qui sert à distinguer les produits d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Elle a une fonction d’identification d’origine du produit ou du service ;
  • un titre de propriété industrielle qui confère un véritable monopôle d’exploitation. Il est vigoureusement protégé par les actions en contrefaçon ;
  • un actif du bilan valorisable et valorisé qui peut constituer une source de revenus significative (grâce aux licences…) ;
  • le véhicule de l’image et de la notoriété de l’entreprise. Il s’agit souvent d’un gage de qualité dans l’esprit du consommateur

Bien plus, le formalisme et les coûts relatifs à l’enregistrement d’une marque sont attractifs.

A priori, il suffit de remplir le formulaire en ligne, sur le site de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et de payer 200 €uros, pour obtenir un monopôle d’exploitation pendant 10 ans sur les produits et services visés dans trois (3) classes de la Classification de Nice.

Dans ces conditions, de nombreux déposants souhaitent éviter l’intervention d’un Conseil (avocat ou juriste) spécialisé en propriété industrielle.

Pourtant, obtenir une marque parfaitement valable, opposable et efficace n’est pas chose aisée. Le parcours pour obtenir une véritable protection est semé d’embuches

  • L’exigence de représentation graphique

L’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), donne la définition de la marque ainsi qu’une liste non limitative des différents signes susceptibles de constituer une marque.

Cet article fournit également une première condition : le signe doit être susceptible de représentation graphique.

Ainsi, bien des signes peuvent constituer une marque : des chiffres, des lettres, des formes, des sons, des logos, des nuances de couleurs etc… La marque peut même est bidimensionnelle ou tridimensionnelle.

Cependant, l’exigence de représentation graphique est une condition qui ne doit pas être sous-estimée par les déposants.

Les juges n’hésitent pas à sanctionner par la nullité, les signes enregistrés par les offices d’enregistrement qui ne sont pas représentés graphiquement de manière claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et accessible.

L’idée sous-jacente est que les personnes doivent pouvoir être informées et comprendre quelle est la portée du monopôle (pour ne pas risquer d’être sanctionné par la contrefaçon).

Aussi, ce critère pose parfois de nombreux soucis pour les marques innovantes telles que les marques en 3D, les sons ou les couleurs.

Pour une illustration, il convient de citer l’affaire Louboutin. Le célèbre créateur des chaussures aux semelles rouges avait déposé une marque pour obtenir un monopôle d’exploitation. Après plusieurs années, une grande enseigne nationale a commercialisé des chaussures ayant une semelle rouge. Louboutin a agi en contrefaçon. Mais, au terme d’une véritable saga judiciaire, la Cour de Cassation a annulé la marque (Cass. Com. 30/05/2012, n°11-20.724 ; « La saga judiciaire de la célèbre chaussure rouge de Louboutin : la sanction d’un mauvais dépôt par les juges » disponible sur internet).

Les juges ont critiqué le fait que :

  • Une représentation du signe par « une figure à plat» ne permet pas de caractériser « une forme tridimensionnelle » : il aurait fallu « une image en perspective » ;
  • L’image de la figure déposée ne permet pas de déterminer si ce qui est déposé est « la face extérieure ou la face intérieure de la semelle» ;
  • Une demande d’enregistrement portant sur la couleur rouge sans autre précisions, n’est pas suffisamment précise.

Dans cette affaire les juges de la Haute Juridiction ont dispensé un véritable cours de droit des marques.

Les conseils d’un juriste spécialisé peuvent être salvateurs avant même le dépôt, pour éviter les déconvenues de Louboutin

  • L’exigence de distinctivité de la marque et d’identification de l’origine du produit

Comme nous l’avons rappelé la marque est un signe distinctif. Sa fonction première est l’identification de l’origine du produit.

Dès lors, la condition essentielle de validité d’une marque est sa distinctivité.

A ce titre, l’article L711-2 du CPI donne une définition négative de la distinctivité. Le Code énonce qu’un signe ne doit pas être la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service. Il ne doit pas non plus décrire le produit ou le service, ni une de ses qualités, sa destination, sa provenance géographique ….

La distinctivité s’apprécie par rapport aux produits et services pour lesquels le déposant souhaite obtenir un monopôle d’exploitation.

Par exemple, il n’est pas possible de déposer « apple » pour des jus de fruits à base de pommes …

Cela parait facile pour les cas les plus schématiques. Cependant, la réalité est bien plus complexe.

En effet, les services marketing des entreprises souhaitent le plus souvent que le nom de leur produit « parle » au consommateur. Dès lors, les signes choisis sont les plus souvent descriptifs ou sont des néologismes (contractions).

Or, si les offices acceptent parfois l’enregistrement de telles marques, celles-ci sont annulées a posteriori par le juge judiciaire à l’occasion d’un procès en contrefaçon contre un tiers.

Dans le meilleur des cas, la marque est dit-on faiblement distinctive et sera difficilement protégeable. Seul un juriste permet de vous informer sur l’étendue de votre protection réelle.

De très nombreux critères sont pris en compte par les juges et l’appréciation de la distinctivité des signes est soumise à l’appréciation souveraine – et subjective – des juges du fond.

Compte tenu de l’aléa judiciaire, de la subjectivité, des évolutions jurisprudentielles, déterminer si un signe est distinctif est un exercice de haute voltige pour un spécialiste en propriété intellectuelle. Cela est donc d’autant plus compliqué pour un profane.

Pour un exemple jurisprudentiel récent, nous citerons l’annulation des marques « I love Paris » déposées pour les objets touristiques vendus à Paris (cf l’article « La fin des monopoles sur les souvenirs touristiques des grandes villes … »).

Les stratégies de dépôt doivent être décidées par les entreprises en toute connaissance de cause. Pour ce faire, il convient de se faire accompagner d’un juriste spécialisé. Cela évitera de payer un dépôt qui pourrait s’avérer, par suite, inefficace.

  • L’exigence de licéité du signe

L’article L711-3 du CPI fixe la liste des signes illicites qui ne peuvent donc pas être déposés à titre de marque.

En premier lieu, sont visés les signes désignés dans la Convention de Paris. Notamment, sont interdits, les drapeaux, poinçons officiels, armoiries d’Etats mais aussi les symboles olympiques ou de la croix rouge.

Egalement sont interdits : les signes contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs ou dont l’utilisation est légalement interdite. Par exemple, sont interdits les signes faisant référence à des stupéfiants.

Enfin, sont interdits les signes susceptibles de tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique. Il s’agit de l’interdiction des signes déceptifs.

Cette condition de licéité peut paraître aisée à respecter. Cela est relativement vrai s’agissant des signes interdits et mentionnés dans la Convention de Paris.

Cependant, nous attirons votre attention sur le fait que l’appréciation de l’ordre public et des bonnes mœurs est parfois délicate. Ainsi, « Opium » pour du parfum a, en son temps, était considéré comme illicite.

Ces notions font l’objet de définition et d’interprétations subjectives et mouvantes, de sorte que ce qui était interdit hier ne le sera peut-être plus demain et vice versa.

Il peut être opportun de se faire accompagner d’un juriste au fait de la jurisprudence et des tendances actuelles pour se faire conseiller.

Enfin, la question la plus délicate est celle de la déceptivité des signes. A partir de quel moment un signe est susceptible de tromper le public ? La jurisprudence actuelle, tant française qu’européenne, sanctionne les dépôts de marques qui tendent à faire croire au public que le produit a une origine officielle, qu’il est recommandé par un Etat. De même, tous les signes laudatifs (particulièrement élogieux) type « extra » « super » ont tendance à être sanctionnés.

Or, cette appréciation est subjective. Elle est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Ainsi, s’assurer de la parfaite légalité du signe choisi requière une connaissance des dernières décisions jurisprudentielles.

  • L’exigence de disponibilité du signe

Le déposant d’une marque doit, préalablement à toute demande d’enregistrement, s’assurer que son signe ne porte pas atteinte à des droits antérieurs.

Cette condition est – de loin – la plus problématique pour les déposants et leurs conseils.

L’article L711-4 du CPI dispose que :

« Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

  1. a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;

  2. b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

  3. c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

  4. d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique ;

  5. e) Aux droits d’auteur ;

  6. f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;

  7. g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;

  8. h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale».

 

Au-delà de la perte de la marque, la violation des droits des tiers ouvre le plus souvent droit à des dommages et intérêts pour les tiers (principalement sur le fondement de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale)

Par pragmatisme, nous aborderons les deux hypothèses phares : marques antérieures et les droits d’auteur.

  1. La disponibilité et les marques antérieures

En pratique, les déposants, qui se sont informés sur la question, effectuent une recherche à l’identique sur la base marque de l’INPI voire même sur le site infogreffe (pour les dénominations sociales, enseignes et noms commerciaux).

Cependant, ces précautions ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent pas de savoir s’il existe une marque qui sans être strictement identique serait similaire.

Il est donc conseillé de commander une recherche d’antériorités et de similarités sur la boutique en ligne de l’INPI en visant, les classes et les GAS (regroupement de codes APE) intéressant l’entreprise.

Bien plus, il convient d’analyser en profondeur quelles sont les marques préalables identiques ou similaires qui sont susceptibles d’entrainer un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent en cause.

Les services de l’INPI offre une liste des marques et signes commerciaux mais n’émettent pas d’avis sur cette liste.

Cette analyse est complexe en ce qu’elle requière de comparer, d’une part, les signes et, d’autre part, les produits visés. Pour la comparaison des signes, il faut prendre en compte les similitudes phonétiques, visuelles et intellectuelles des signes. Pour comparer les produits, il faut apprécier les similarités et complémentarités entre les produits visés. Enfin, cette analyse est menée par rapport au public pertinent.

L’aléa judiciaire en la matière est significatif et les critères d’appréciation difficiles à mettre en œuvre.

Or, les sanctions d’un dépôt effectué en violation de la marque d’un tiers est redoutable : une sanction pénale potentielle, des dommages et intérêts, le retrait des produits, la publication du jugement ….

Dans les cas les plus optimistes, les titulaires de marques antérieures s’opposent à l’enregistrement devant l’office et/ou négocient un accord de coexistence. Dans cette hypothèse les frais s’accumulent parfois pour n’avoir aucun droit ou un droit très restreint !

  1. La disponibilité et les droits d’auteur

De nombreuses entreprises souhaitent déposer leur logo.

Ce logo est généralement créé par un salarié, un collaborateur ou même par une agence de communication.

Les chefs d’entreprise ou de projet pensent souvent – en toute bonne foi – pouvoir déposer ce logo à titre de marque, sans autre formalité.

Il s’agit d’une erreur récurrente et fatale.

En effet, lorsque le logo est original, celui qui l’a créé est, du seul fait de la création, investi des droits d’auteur. Cela signifie, notamment, qu’il est le seul à pouvoir l’exploiter commercialement et le seul à pouvoir le déposer.

L’entreprise doit alors prévoir un contrat très précis de cession de droits. Ce contrat ne peut être rédigé que par une personne connaissant parfaitement les droits d’auteur car la loi exige que de très nombreuses mentions figurent dans ce contrat. Tout ce qui n’est pas écrit dans le contrat demeure à l’auteur.

Nous attirons l’attention des entreprises car bien souvent les contrats rédigés par les agences sont incomplets et insuffisants pour vous protéger.

Or, la sanction est – une nouvelle fois – la contrefaçon.

Imaginons une marque qui connaît un franc succès et dont l’auteur du logo attaque l’entreprise en contrefaçon. L’effet tant financier que commercial peut être fatal à l’entreprise.

  • Le choix délicat des libellés

Nous l’avons dit, la marque offre un monopôle d’exploitation pour les seuls produits et services visés dans la demande d’enregistrement.

Or, la rédaction de libellés adaptés à l’activité actuelle et future de l’entreprise n’est pas chose aisée.

Le dépôt doit permettre de protéger toute l’activité présente et future mais rien que l’activité.

En effet :

  • Un dépôt insuffisamment précis permettra à un concurrent mal intentionné de déposer une marque similaire pour des produits non visés dans l’enregistrement. La marque serait affaiblie et les risques commerciaux trop conséquents ;
  • Seulement… un dépôt trop large impliquerait des coûts de formalités plus onéreux mais aussi des risques d’opposition/ d’atteinte à des droits antérieurs plus élevés ;
  • Egalement, un dépôt trop large démultipliera les risques de contentieux initiés par des personnes qui postérieurement voudront déposer un signe similaire pour des produits visés dans l’enregistrement mais non utilisés par l’entreprise. Il leur suffira d’attendre cinq ans à compter du dépôt de la marque pour engager une action en déchéance de la marque ;
  • Aussi et surtout, au quotidien les entreprises devront préparer soigneusement des dossiers de preuves d’usage afin de pouvoir, prouver, à première demande, qu’elles utilisent leur marque pour tous les produits visés. A défaut, elles risques la déchéance partielle des droits sur la marque. Il s’agit là d’un travail fastidieux et précis qui doit être mené avec sérieux sur les conseils d’un juriste (documents datés …)

 

Rédiger les libellés suppose une analyse approfondie et une rédaction minutieuse.

Conclusion

La marque est un élément stratégique commercialement et économiquement pour une entreprise. Il peut même s’agir de la principale valeur de l’entreprise (que serait l’Oréal ou Coca-Cola sans leur portefeuille de marques ?)

Le droit des marques est une véritable spécialité technique qui requière pour les juristes une remise en cause et une mise à jour permanentes.

Même si les formalités de dépôt ont été assouplies, l’enregistrement d’une marque parfaitement valable et efficace est un casse-tête chinois.

Compte tenu de l’importance de ce bien dans le patrimoine de l’entreprise, des coûts en jeu, et des risques juridiques, il est conseillé de se faire accompagner par un Avocat ou un juriste spécialisé en propriété intellectuelle. Cette solution loin d’être plus onéreuse, peut, au contraire s’avérer bien plus économique et judicieuse que le dépôt par un néophyte – aussi précautionneux soit-il.

 

 

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