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La faveur fiscale pour les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) bientôt remise en cause ?

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La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) a été créée par la Loi du 17 juillet 2001 (L. n° 2001-624, 17 juill. 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, JO 18 juill. 2001, p. 11496).

La SCIC a toujours été très singulière. Il s’agit d’un être juridique métissé, à mi-chemin entre la société, la coopérative et l’association. Parmi ses traits notables, nous pouvons notamment retenir les points suivants :

  • Son objet social consiste nécessairement en « la production, la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale» ;
  • Son sociétariat est obligatoirement varié : elle est composée a minima d’au moins 3 catégories d’associés (producteurs de produits et services, usagers et bénévoles). Elle peut intégrer au capital toutes les parties prenantes intéressées par l’activité de la SCIC, dont les personnes publiques ;
  • Le droit de vote entre les associés peut être réparti sous forme de collèges de vote ;
  • La ristourne coopérative y est interdite.
  • 57,5% des excédents au minimum doivent être mis en réserves impartageables ;
  • Les réserves de la SCIC sont strictement impartageables. Elles ne peuvent pas être distribuées. Les réserves ne peuvent pas non plus être incorporées au capital ou être utilisées pour revaloriser le montant des parts sociales. De la même manière, le boni de liquidation éventuel ne saurait être distribué.

Dans la pratique, nous constatons depuis quelques années un intérêt de plus en plus marqué pour la SCIC, notamment de la part des associations.

Dans un contexte de raréfaction des subventions publiques et face à des interrogations fiscales de plus en plus pesantes (risques de fiscalisation aux impôts commerciaux), certaines associations n’hésitent pas à franchir le Rubicon en se transformant en SCIC.

Nous avons observé le même mouvement du côté des personnes publiques dont les collectivités territoriales qui nous semblent aujourd’hui de moins en moins frileuses à entrer au capital de SCIC.

Enfin, le statut SCIC attire de plus en plus de porteurs de projet de tous horizons et dans tous secteurs d’activités du fait des principes et valeurs qu’incarne le statut SCIC.

Le régime fiscal favorable de la SCIC ne semble par ailleurs pas être totalement indifférent au succès de cette forme juridique.

En effet, depuis la Loi de finances rectificatives de 2007, la SCIC bénéficie d’une faveur fiscale avantageuse : la part des bénéfices mis en réserves impartageables est déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 209 8° ; L. n° 2007-1824, 25 déc. 2007 de finances rectificatives pour 2007, JO 28 déc., p. 21482, art. 50).

Cette déduction a lieu lors de l’exercice suivant l’année d’apparition des bénéfices. La partie du bénéfice à déduire acquiert son caractère de réserve impartageable après la réunion de l’assemblée générale ordinaire sur l’approbation des comptes et l’affectation du bénéfice.

Ainsi, pour une clôture d’exercice au 31 décembre 2017, le bénéfice réalisé au titre de cet exercice a pu être déduit, pour la partie mise en réserve en réserve impartageable, qu’au cours de l’année 2018 dans la mesure où l’assemblée qui a statué sur le résultat de 2017 s’est tenue au plus tard au 30 juin 2018.

En pratique, une SCIC peut obtenir une défiscalisation totale au titre de l’imposition sur les sociétés si elle affecte la totalité de son bénéfice aux réserves impartageables.

Cet aménagement fiscal trouve sa justification dans le fait que l’objet social des SCIC dépasse le seul intérêt privé des associés de la coopérative au profit de « l’utilité sociale ».

Cette faveur fiscale a aussi certainement fait l’effet d’un catalyseur quant au nombre de SCIC créées. On dénombrait 80 SCIC en 2005, 112 en 2007, 190 en 2010, 526 au 31 décembre 2015 et 741 en 2017 (Source :  CGSCOP).

Le projet de Loi de finances pour 2019 semble pourtant sur le point de remettre en cause cet édifice.

Le projet de Loi a été présenté en Conseil de ministres et à la presse le lundi 24 septembre 2018. Le texte officiel a été déposé le même jour au Parlement sous le n° 1255.

La lecture de l’article 11 de ce projet n’a pas manqué de nous surprendre…

Ce dernier prévoit l’abrogation pure et simple de la déduction de la part des excédents mis en réserves impartageables par les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) (CGI, art. 209, VIII)…

Pour commencer, les dirigeants et créateurs de SCIC apprendront certainement avec tristesse que la faveur fiscale accordée au SCIC est classée au rang des « dépenses fiscales inefficientes ».

Bien plus, la suppression de ce régime fiscal dérogatoire apparaît comme une incompréhension et même une totale méconnaissance de l’idée même de SCIC (v. en ce sens l’article du Professeur Michel Abhervé sur son blog :  Fin de la déductibilité des excédents mis en réserve par les SCIC dans le projet de budget 2019 https://tinyurl.com/y9hd72vc )

Il résulte de la faveur fiscale faite au SCIC, une forte incitation à la mise en réserve impartageable.

Le but est d’encourager à reverser le bénéfice dans le projet commun.

Il n’y a pas d’appropriation privative du bénéfice ainsi défiscalisé : pas de dividende et pas de ristourne coopérative. Le bénéfice mis en réserves sert à renforcer les fonds propres de la coopérative et à assurer le financement de la structure et de ses projets.

La thésaurisation du bénéfice est un outil de développement de la coopérative, pas un moyen d’enrichissement personnel. Son but est d’aider et de faciliter la réalisation de l’objectif d’utilité sociale de la SCIC.

Nous espérons que les milieux coopératifs et plus généralement de l’économie sociale et solidaire sauront peser lors des débats sur la prochaine Loi de finances afin de rétablir le véritable sens et toute la portée de cette faveur fiscale.

 

 

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